Quiétude à préserver à Béjaïa
L’impression générale des gens dans la wilaya de Béjaïa contraste sur le sujet avec l’appréciation des services de sécurité. Quand le commun des citoyens juge que franchement la délinquance, grande et petite, a gagné du terrain, les estimations officielles concernant le phénomène invitent plutôt à la mesure.
C’est en tout cas ce que donnent à conclure les chiffres communiqués par le corps du Darak, lequel, par vocation, est appelé à intervenir souvent dans une wilaya à prédominance rurale comme Béjaïa. L’on relèvera cette année une baisse significative des affaires dites de crimes et délits contre les personnes (meurtres, agressions...), comparativement aux taux enregistrés l’année dernière. Des 492 affaires prises en charge par la Gendarmerie nationale en 2004, l’on décline cette année à 192 affaires. Baisse également concernant le chapitre des affaires liées aux délits contre les biens qui passe respectivement de 172 cas recensés et traités l’année dernière à 83 objets d’intervention pris en charge depuis le début de l’année en cours. Ces taux et bien d’autres contredisent sinon relativisent une constante récrimination des citoyens quant à l’évolution du phénomène de la délinquance. Les gens donnent l’air, en effet, d’afficher une intolérance ferme à tout ce qui peut perturber leur vécu. « Ce n’est peut-être pas les rues d’Alger, mais l’on constate tout de même qu’il y a assez souvent des faits qui nous surprennent. L’autre jour, quelqu’un a été braqué par un groupe de jeunes en plein jour, son argent et son portable subtilisés... Heureusement que les loubards n’ont pas été intéressés par son véhicule », objecte Rachid qui évoque également, pour l’exemple, le spectre des agressions qui plane tout le temps sur les promeneurs du côté du site féerique de cap Carbon. Les habitants de Béjaïa, ville sereine et un tantinet précieuse, se fient donc, quant à eux, à une échelle de comparaison structurée sur ce que fut la cité et sur ce qu’elle est en train de devenir. Le mal de l’époque, la drogue, inquiète aussi. Les psychotropes circulent et se consomment dans plusieurs quartiers et les jeunes y sont de plus en plus sensibles, à en croire des témoignages d’habitants de plus en plus anxieux. Des crimes abjects ont d’ailleurs été commis durant l’année par des individus arrêtés alors qu’ils étaient sous l’effet de la drogue, comme ce fut le cas pour un vol de voiture qui a tourné au kidnapping puis au meurtre du côté de Oued Ghir. L’effilochage des structures d’organisation sociales léguées par la tradition dans la zone rurale, avec pour première conséquence l’ébranlement poussé de l’autorité, livre, par ailleurs, ces contrées aux maux jusque-là apanage des complexités urbaines. Des groupes s’y constituent se spécialisant dans les vols de véhicules, du matériel hydraulique et autres violations de domiciles. Les événements vécus par la région à partir de 2001 y ont paralysé l’action des agents de l’Etat, se plaignent les voix officielles. Ainsi des régions comme Seddouk, Chemini, El Kseur... continuent à être pratiquement « interdites » aux éléments de la gendarmerie, comme le réitèrent des responsables de ce corps de sécurité. Il demeure certain cependant que la région de Béjaïa reste pour l’heure assez épargnée par les manifestations spectaculaires de la délinquance, telles qu’observées ailleurs dans le pays. L’on y peut à tout le moins tendre son téléphone portable à l’oreille et répondre à son correspondant dans la rue sans avoir à lorgner du côté du jeune passant le prenant pour un voleur potentiel.
Slimani Mourad