Médéa
Profession : vendeur de « chic » !
Nouvelle culture, nouvelles coutumes issues de la dégradation du pouvoir d’achat : des consommateurs d’une nouvelle variété de tabac à chiquer, la chemma locale, s’approvisionnent, à Médéa du moins, au niveau de Bab Laqouas, non pas par boîte ou par paquet même si cela s’opère également mais en vrac, par centaines de grammes.
Cette nouvelle substance ou drogue, c’est selon, est produite à partir d’un plant de vigne, le zerdjoun, très répandu à Aïn Oussera selon un des producteurs commerçants. M. Missoum, 45 ans, s’adonne à ce commerce depuis quelque 18 mois, lorsque l’organisme étatique employeur a mis fin à son contrat de veilleur de nuit. « Où dois-je aller pour trouver du travail et subvenir aux besoins de mes trois enfants ? » Tête recouverte d’un turban, signe vestimentaire des gens de l’intérieur (il est originaire de Ouezra, commune voisine de Médéa), son visage est sillonné de rides illustrant le climat rude et le caractère austère, vieillissant davantage le bonhomme dont le regard, méfiant au départ, se détend au fil de la discussion jusqu’à offrir un sourire permanent et qui ne disparaîtra point, affirmant ainsi le caractère hospitalier de l’Algérien et qui n’hésite pas à vous inviter à prendre un café alors qu’il est totalement démuni. Un flux régulier de consommateurs ainsi que des adolescents, des agents de l’ordre public, des citoyens habitués à cette substance accomplissent cet achat machinalement et s’étonnent de notre intéressement. Une vieille personne, très au fait de la fluctuation de la monnaie locale et de sa dévalorisation, louera cette drogue : « Plus le pouvoir d’achat est en diminution et plus le citoyen cherchera refuge dans des palliatifs qu’il imaginera lui-même, et ne lui parlez surtout pas de morale. Dans cette région du Titteri, on s’adonne à la chemma trois fois moins chère que la vraie comme on aspire de la colle dans les grandes villes à défaut de drogue dure. C’est le mal-vivre ! » Missoum aurait préféré trouver un travail stable et se dit prêt à « émigrer » à Alger au lieu de se faire 100 dinars de bénéfice par jour. Cette chemma des pauvres est achetée à 50 DA le kilo chez le producteur pour être revendue à 80 DA. Son étal est enrichi par la vente « additionnelle » de friperie étalée à même le trottoir. Il reste à savoir si l’accoutumance à cette prise d’un nouveau genre n’est pas plus dangereuse que celle à laquelle nombre d’Algériens, surtout de lacampagne, sont habitués.
A. Mekfouldji